Spécial complot : les Celtes - Qu'on se le dise : les Bretons ne sont pas celtes


Archéologue spécialiste de la préhistoire du Massif armoricain, Yannick Lecerf tord scientifiquement le cou à quelques idées bretonnantes reçues. Interview. https://www.lanouvellerepublique.fr/france-monde/qu-on-se-le-dise-les-bretons-ne-sont-pas-celtes

Yannick Lecerf, archéologue, vient de sortir un livre passionnant et très pédagogique sur la Bretagne préhistorique. S'appuyant sur de récentes découvertes scientifiques et sur ses quelque quatre décennies de recherches, il bouscule les mythes et les légendes du Massif armoricain.

A quelle époque remonte le peuplement de la Bretagne ?

Yannick Lecerf : « On vient de faire un bon considérable dans le temps. Pendant longtemps, on a considéré que les traces les plus anciennes remontaient aux alentours du paléolithique récent (50.000 avant J.-C.). Dans les années quatre-vingt-dix, grâce aux fouilles du CNRS, on a trouvé dans le Finistère Sud le foyer le plus ancien, datant de 450.000 ans avant J.-C. Et puis récemment, à la suite d'érosions accélérées par les tempêtes, on a identifié un foyer dans la vallée de moyenne Vilaine qui nous emmène aux alentours de 750.000 avant J.-C. C'est donc dès cette époque que des hominidés ont fréquenté la Bretagne. »

Les monuments mégalithiques avaient-ils notamment un rapport avec les astres ?

« Non. Lorsqu'au néolithique (5.000 ans avant J.-C. dans le Massif armoricain) les communautés se sédentarisent et organisent leurs territoires, dans les vallées, près des points d'eau, ils créent des zones funéraires, avec de grands cairns mégalithiques, comme celui de Barnénez. Ce sont de grands monuments pouvant atteindre 70 mètres de long, 25 mètres de large et 9 à 10 mètres de hauteur pour accueillir onze chambres funéraires. On va commencer dans le même temps à dresser les premiers grands menhirs de plus de 20 mètres de haut et puis on va aussi créer des lieux de mémoire avec des champs de menhirs. Ils sont dressés afin de marquer un événement pour ces communautés qui sont de tradition orale. C'est à partir de ce moment-là que le territoire est structuré par le mégalithisme, avec une partialisation en lieux de vie, lieux de mort et lieux de mémoire. C'est là que naît l'identité des communautés du Massif armoricain. »

La Bretagne celtique, c'est un mythe ?

« Complètement ! Dans la préhistoire du Massif armoricain, les Celtes ne sont qu'une anecdote qu'on a cherché à monter en épingle à partir du XVIII esiècle, en partie, pour des raisons politiques, Bonaparte voulant recréer une Nation sur des bases identitaires très fortes, lançant la fameuse académie celtique qui a attribué aux Celtes le mégalithisme. »

En tout cas, c'est un mythe persistant…

« Il est particulièrement entretenu, au point que l'on voit aujourd'hui se mettre en place des pratiques néodruidiques complètement construites puisque les communautés du Massif armoricain, de tradition orale, n'ont laissé aucun écrit ! Les Celtes ne sont jamais venus en Bretagne. Les recherches archéologiques démontrent que les Celtes sont venus d'Europe centrale et se sont partagés en deux groupes, l'un remontant vers l'Angleterre, l'Écosse et l'Irlande par la Belgique et la Normandie ; l'autre descendant vers la péninsule, ibérique par le centre de la France en évitant la Bretagne. »

Pourquoi ont-ils snobé la Bretagne ?

« D'abord parce que les Celtes, peuple migrant, n'étaient pas intéressés par les péninsules. Mais je pense que la raison principale tient au fait que les Celtes, qui cherchaient à se fondre dans les populations, n'ont pas réussi à s'intégrer aux communautés bretonnes du fait de leur forte identité développée au néolithique. »

Donc, les Bretons doivent être fiers de ne pas être celtes !

« Absolument ! Ils n'ont pas attendu les Celtes pour avoir une culture forte. »


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